Cézanne Paul

«Le cas Cézanne sépare irrémédiablement en deux camps ceux qui aiment la peinture et ceux qui préfèrent à la peinture elle-même ses agréments accessoires, littéraires ou autres. Le mystère dont s'est entouré le maître d'Aix-en-Provence n'a pas peu contribué à augmenter l'obscurité des commentaires dont a, d'autre part, bénéficié sa renommée. C'est un timide, un indépendant, un solitaire. exclusivement occupé de son art, perpétuellement inquiet et le plus souvent mal satisfait de lui-même; il échappa jusqu'à ses dernières années à la curiosité publique. Ceux-là mêmes qui se réclamaient de ses méthodes l'ont pour la plupart ignoré. A une époque où la sensibilité de l'artiste était tenue presque unanimement pour l'unique raison de l'œuvre d'art, et où l'improvisation — ce "vertige spirituel provenant de l'exaltation des sens" — tendait à détruire en même temps les conventions surannées de l'académisme et les méthodes nécessaires, il arriva que l'art de Cézanne sut garder à la sensibilité son rôle essentiel tout en substituant la réflexion à l'empirisme. Et, par exemple, au lieu de la notation chronométrique des phénomènes, il put conserver son émotion du moment, tout en fatiguant presque à l'excès, d'un travail calculé et voulu, ses études d'après nature. Il composa ses natures mortes, variant à dessein les lignes et les masses, disposant les draperies selon des rythmes prémédités, évitant les accidents du hasard, cherchant la beauté plastique, mais sans rien perdre du véritable motif, de ce motif initial qu'on saisit à nu dans ses ébauches et ses aquarelles, je veux dire cette délicate symphonie de nuances juxtaposées, que son oeil découvrait d'abord, mais que sa raison venait aussitôt et spontanément appuyer sur le support logique d'une composition, d'un plan, d'une architecture.»

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