Valloton Félix

Félix Vallotton est l’un des artistes majeurs de sa génération. Lausannois de naissance, Français d’adoption, il a créé une oeuvre qui appartient au patrimoine commun des deux pays et à celui de l’histoire de l’art européen. Portraitiste remarqué à ses débuts, il s’engage après 1890 dans la gravure sur bois. Le renouveau qu’il insuffle à cette technique ancestrale lui vaut rapidement une notoriété internationale d’artiste à la pointe de la modernité. Lié d’amitié avec Vuillard, Bonnard et Maurice Denis, il rejoint le groupe des nabis et devient le principal illustrateur de La Revue blanche. Son mariage en 1899 avec la fille du grand marchand de tableaux Alexandre Bernheim marque un tournant dans sa vie et dans sa carrière. Il se consacre désormais à sa vocation première: la peinture. Farouchement indépendant, il élabore en quelques années un style singulier, nourri des trouvailles de ses xylographies, de la leçon des maîtres japonais et de l’exemple de prédécesseurs illustres tels que Poussin, Rembrandt ou Ingres. Son art ne rompt pas avec la tradition mais la bouleverse par de puissants effets décoratifs, par une palette où des tons sourds alternent avec les couleurs les plus éclatantes, souvent dissonantes, parfois irréelles. L’ampleur de son oeuvre peint est d’autant plus considérable que Vallotton l’a réalisé en quatre décennies, tout en exerçant ses talents dans d’autres disciplines: dessinateur prolifique, il s’est essayé à la sculpture et aux arts appliqués. Il a aussi écrit dès son plus jeune âge: on lui doit des critiques d’art et des essais, des pièces de théâtre et trois romans. Secret et passionné, réfléchi et sensuel, misanthrope et séducteur, aspirant au bonheur mais se régalant de souffrance, l’homme est aussi complexe que son art est savant sous une apparente simplicité. Il a appartenu aux sociétés d’artistes les plus prestigieuses, il a participé à toutes les grandes expositions internationales, il a gagné la plus haute estime de ses élèves, avant de devenir une référence pour toute une nouvelle génération de peintres. Il a connu l’élite du monde artistique et littéraire de son époque; des amis fidèles l’ont entouré, des femmes l’ont aimé; il a visité les plus belles villes d’Europe et a séjourné dans des endroits magnifiques dont ses paysages gardent à jamais le souvenir. Mais il a cultivé avec une sorte de délectation morose une mélancolie caractéristique de son temps. Elle a été le nerf de sa créativité débordante, l’excuse de ses échecs et, par sublimation, la marque de son art.

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