Né à Paris en 1864, Paul Sérusier appartenait à une famille bourgeoise, originaire du nord de la France, dont l'aisance lui permit de suivre sa vocation sans problèmes financiers. Associé, puis propriétaire de la parfumerie Houbigaut, son père s'installa à Paris en 1862 et connut une véritable réussite commerciale. Inscrit comme demi-pensionnaire à l'École Fénelon, Paul Sérusier fut, selon Marcel Guicheteau, considéré comme "l'artiste de la classe" par ses camarades et ses professeurs . Brillant, curieux de tout, il entre en 1875 au Lycée Condorcet où le sens critique et l'esprit d'ouverture des élèves sont encouragés. Il se passionne pour la philosophie, lit dans le texte les auteurs grecs et latins et obtient, en 1882 et 1883, ses deux baccalauréats de Lettres et de Sciences. En 1885, après un bref passage dans l'entreprise d'un ami de la famille, il entre à l'Académie Julian, dans la classe de Jules Lefebvre, pour y étudier le dessin. Un naturalisme quasi photographique y est alors considéré comme l'objectif à atteindre: l'enseignement porte sur l'étude du nu d'après le modèle vivant et la recherche des effets de clair-obscur. Doué et sympathique, Sérusier y devint très vite populaire, et fut élu massier des petits Ateliers. Il dut s'occuper de recueillir les cotisations, de veiller au matériel, aux modèles et au chauffage tout en limitant le chahut... Dès son entrée à l'Académie Julian, Maurice Denis l'admire beaucoup et noue une amitié durable avec lui: "Il m'apparaissait comme un esprit d'une culture supérieure, un animateur, un guide intellectuel et artistique. Il était tout cela et, en même temps, bon camarade, joyeux compagnon" .Ensemble, avec leurs amis Bernard, Ibels, Ranson, ils fréquentent les musées, visitent les expositions des galeries et se retrouvent dans la boutique du père Tanguy, où ils découvrent les toiles de Cézanne. Au printemps 1888, Sérusier reçoit une mention honorable pour la première peinture qu'il expose au Salon: L'Atelier du tisserand. Encouragé par ce succès, il part en Bretagne passer l'été et arrive à Pont-Aven au début du mois d'octobre. La ville, déjà touristique, est à cette époque peuplée de peintres français et étrangers attirés par l'aspect pittoresque des rives de l'Aven et les qualités d'accueil des habitants. Sérusier y prend pension chez Marie-Jeanne Gloanec et s'intègre au groupe des peintres "sérieux" qui mangent à la grande table. Mais sa curiosité est attirée par quelques artistes, qualifiés d'"impressionnistes", qui prennent leurs repas à part, et peignent des tableaux aux couleurs véhémentes. Ce sont Émile Bernard, Gauguin, Charles Laval, Émile Schuffenecker, Ernest Ponthier de Chamaillard et Henry Moret dont les discussions portent essentiellement sur des questions d'art et des problèmes théoriques. A la fin de son séjour, Sérusier s'enhardit à adresser la parole à Gauguin et obtient de lui une leçon en plein air au Bois d'Amour. Flatté de l'attention que lui porte ce jeune bourgeois cultivé, Gauguin lui donne quelques brefs conseils: "De quelle couleur voyez-vous ces arbres? - Ils sont jaunes. - Eh bien, mettez donc du jaune. Et cette ombre? - Plutôt bleue. - Ne craignez pas de la peindre aussi bleue que possible. Et ces feuilles rouges? Mettez du vermillon." L'idée était d'inciter le jeune peintre à se libérer des contraintes d'une peinture imitative en utilisant des couleurs pures et en n'hésitant pas à exagérer les impressions reçues pour donner au tableau sa cohérence propre, décorative et symbolique. Sérusier ramena à Paris un petit panneau de bois peint ce jour-là en présence de Gauguin, Le Talisman, et l'exhiba avec enthousiasme à ses amis de l'Académie Julian. Il entreprit alors une véritable propagande qui, selon Maurice Denis, suscita des débats intenses et même des bagarres entre les différents ateliers de l'école. L'opposition rencontrée souda les liens déjà existants entre ses amis et lui et affirma l'existence d'un véritable groupe. Ils prirent alors l'habitude de se réunir mensuellement dans un restaurant appelé L'Os à moelle et, "dévots du symbole", choisirent le nom de "Nabis" ("prophètes" en hébreu) pour exprimer l'enthousiasme permanent dans lequel ils devaient oeuvrer pour le salut de l'art. Au mois de juin 1889, l'ouverture de l'exposition organisée par Gauguin et ses amis au Café Volpini renforce la conviction de Sérusier qui déclare alors: "Je suis des vôtres". Dès le mois de juillet, il part retrouver Gauguin à Pont-Aven et écrit à Maurice Denis qu'il "rêve pour l'avenir d'une confrérie épurée, uniquement composée d'artistes persuadés, amoureux du beau et du bien, mettant dans leurs oeuvres et dans leur conduite ce caractère indéfinissable que je traduis par Nabi." Peu après, il s'installe avec Gauguin et Meyer de Haan au Pouldu et partage avec eux une nouvelle manière de peindre: ils dessinent en plein air et retournent peindre de mémoire à l'atelier les motifs longuement contemplés qu'ils transforment pour les besoins esthétiques de la composition. Sérusier emploie alors une toile à gros grain qu'il couvre de couleurs mélangées d'un peu de blanc et puise dans les tons purs pour obtenir une richesse de matière et un effet "tissé" très accentué. Parfois, Sérusier pousse plus loin que Gauguin le concept de la surface décorative, tisse les horizontales et les verticales pour éliminer toute profondeur et supprime complètement la ligne d'horizon. A la rentrée, il retourne malgré tout à l'Académie Julian où se renforce la cohésion du groupe nabi, enrichi d'Armand Seguin, Vuillard et Roussel. Surnommé par ses amis le "Nabi à la barbe rutilante", il participe tous les samedis aux réunions organisées dans l'atelier de Ranson au 25, boulevard Montparnasse. Les discussions y portent alors principalement sur des questions d'art et Sérusier y commente la technique et l'esthétique de la peinture synthétiste: "Il s'attache alors à découvrir le lieu des différentes formules que vivifient la parole et l'art de Gauguin. Il y met de l'ordre, il les systématise, il en tire une doctrine" . On y parle également de plus en plus de symbolisme, de sciences occultes et d'ésotérisme tout en commentant Les Grands Initiés d'Edouard Schuré. Sérusier fréquente aussi le Café François Ier où se réunissent les écrivains symbolistes Albert Aurier, Stuart Merill, Jean Moreas, Charles Morice… Au mois d'avril 1891, le départ de Gauguin laissa un grand vide qui modifia la dynamique du groupe et conduisit les artistes à évoluer séparément dans des directions différentes. Au cours de l'été suivant, Sérusier retourne en Bretagne avec Jan Verkade et Mogens Ballin, mais quitte Pont-Aven, où le souvenir de Gauguin est sans doute trop présent, pour effectuer un premier séjour à Huelgoat, un petit village situé à l'intérieur des terres, dans une région de forêts épaisses et rocheuses. Le cadrage de ses peintures est alors plus serré, les espaces clos et les figures semblent parfois écrasées par leur environnement:"Les visages de la période Huelgoat" (1892-1894) représentent souvent le dur labeur et la morne existence des femmes bretonnes". Le regard perdu dans le vide, les personnages sont souvent monumentaux, solides, et peints selon une nouvelle gamme de teintes assourdies. Au lieu d'employer des couleurs primaires pures, il choisit le gris comme base et préconise l'emploi d'une seule couleur pure comme tonalité d'ensemble de chaque composition. Si une autre couleur était utilisée, elle devait être mélangée à du gris, ou à sa couleur complémentaire, afin de créer une harmonie subtile et un sentiment de calme: "Trois ou quatre teintes bien choisies, cela suffit et cela est expressif; les autres couleurs ne font qu'affaiblir l'effet." . C'est finalement à Huelgoat que Sérusier trouva un style personnel et la paix qui lui était nécessaire pour penser et pour peindre. Il continua néanmoins à retourner passer l'hiver à Paris où ses talents sont largement utilisés par son ami Lugné-Poe, le fondateur du Théâtre de l'Oeuvre. Tour à tour décorateur, metteur en scène ou figurant, Sérusier en arrive à délaisser son travail personnel pour la préparation de ces spectacles symbolistes auxquels participent également la plupart de ses amis nabis, Vuillard, Bonnard, Ranson, Maurice Denis, ... Le Théâtre de l'Oeuvre leur offrit la possibilité d'expérimenter à grande échelle les principes de simplification du décor et la synthèse des différents moyens d'expression: "S'il est un domaine où la grande leçon du nabisme doit être suivie, c'est bien sur la scène, où lignes et couleurs doivent être en harmonie, en analogie avec le drame, contribuer à créer le climat d'irréalité poétique indispensable". Parallèlement à ces activités, dont il ne reste que peu de traces, Sérusier participa aux expositions du groupe nabi organisées par Le Barc de Boutteville. Il est malheureusement très affecté par le peu d'attention que lui porte la critique et par l'absence de commandes décoratives qui le prive de la reconnaissance artistique dont il aurait besoin. Au cours de l'été 1895, le départ de son amie, l'actrice et journaliste polonaise Gabriela Zapolska, le plonge dans une dépression profonde qui faillit lui faire perdre la raison. C'est alors qu'il reçut une invitation "providentielle" de son ami Jan Verkade, devenu moine au monastère de Beuron en Allemagne, où se pratiquaient les principes esthétiques développés par le père Desiderius Lenz, selon lequel les lois du beau, c'est-à-dire du divin, sont mystérieusement cachées dans la nature et ne peuvent être accessibles qu'à l'artiste qui saura percevoir les proportions et l'harmonie des grandeurs: "Dieu a tout fait dans l'Esprit Saint selon mesure, nombre et poids" . Sérusier partit rejoindre Verkade et Ballin à Prague et s'y initia aux principes esthétiques de l'Ecole de Beuron: refus du mouvement, absence de perspective atmosphérique, simplification extrême de la palette, soumission aux proportions de la surface à décorer. Il en revint dans un état d'enthousiasme analogue à celui qu'il avait connu après sa rencontre avec Gauguin et chercha à convaincre ses amis Ranson, Lacombe, Denis et les autres de l'importance des "Saintes Mesures". La rigueur de cette doctrine ne reçut néanmoins qu'un accueil extrêmement mitigé qui explique en partie l'éloignement croissant de Sérusier à l'égard des mouvements artistiques parisiens. Après plusieurs voyages successifs à Beuron, il s'isole de plus en plus en Bretagne, s'installe définitivement à Châteauneuf-du-Faou et adopte un art essentiellement fait de calculs et de mesures. Incapable de renoncer aux sujets bretons auxquels il reste extrêmement attaché, Sérusier tente de les transposer dans un univers intemporel en y appliquant les principes de Lenz. Il étudie alors l'art égyptien, s'inspire des primitifs italiens et des tapisseries du Moyen-Age pour créer des oeuvres décoratives d'une intemporalité mystérieuse et calculée. A partir de 1908, il commence à enseigner régulièrement à l'Académie Ranson et ponctue la correspondance qu'il entretient avec ses amis de nombreux croquis, schémas et cercles chromatiques destinés à illustrer ses démonstrations. En 1921, la parution de son court traité ABC de la peinture, lui permet de développer une théorie des courbes et des formes simples qui devait guider les artistes dans la construction géométrique de leurs compositions. Il y développe également une théorie de la couleur et une méthode de recherche des teintes assourdies, d'une tonalité d'ensemble grise, qui repose sur la séparation des couleurs chaudes et des couleurs froides et l'utilisation de deux palettes. Véritable testament spirituel, l'ABC de la peinture représente la somme des recherches esthétiques de Sérusier et montre à quel point il resta symboliste et théoricien dans l'âme jusqu'à la fin de sa vie: "En cherchant sans répit à relier art, nature et spiritualité, il fut en effet, jusqu'à son dernier jour, un Nabi à part entière." Agnès Delannoy
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